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nécessaire encore pour retenir et diriger les milices américaines. Ces soldats agriculteurs voulaient retourner à leurs champs ; Kosciusko dit seulement : " partez si vous voulez ; je reste. " Pas un n’osa partir.

Il eut plus d’une belle aventure : des blessures d’abord ; puis le bonheur de sauter des prisonniers que les américains voulaient massacrer. Il se constitua aussi le patron et le protecteur d’un orphelin de neuf ans, dont le père, brave soldat, venait de périr, et il parvint à faire adopter l’enfant par la République elle-même.

L’Amérique était fondée. La Pologne périssait. Au retour de Kosciusko, elle touchait à sa crise suprême. Elle faisait un dernier effort pour se transformer sous les yeux, sous la pression terrible des tyrans qui voulaient sa mort. Dans une opération si difficile, qui aurait demandé une complète unité d’action, elle n’agissait pas avec des forces entières ; liée par ses ennemis, elle l’était par elle-même, parle préjugé national, favorable aux anciennes institutions sous lesquelles la Pologne acquit jadis tant de gloire. Les philosophes eux-mêmes (Rousseau, par exemple, dont ils demandèrent les conseils ) leur disait de peu changer.

Cette prudence excessive était imprudence même. Dans des temps tellement changés, il fallait un changement d’institution profond, radical. Par des réformes de détail, extérieures, superficielles, on avertissait l’ennemi,