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Du plus haut au plus bas, la Russie trompe et ment : c’est une fantasmagorie, un mirage, c’est l’empire de l’illusion.

Partons du bas, de l’élément qui semble encore le plus solide, du trait original et populaire de la Russie.

La famille n’est pas la famille. La femme est-elle à l’homme ? Non, au maître d’abord. De qui est l’enfant ? Qui le sait ?

La commune n’est pas la commune. Petite république patriarcale, au premier coup d’œil, qui donne l’idée de liberté. Regardez mieux, ce sont de misérables serfs qui seulement répartissent entre eux le fardeau du servage. Par simple-vente et par achat ; on la brise à volonté, cette république. Nulle garantie pour la commune, pas plus que pour l’individu.

Montons plus haut, jusqu’au seigneur. Là, le contraste de l’idéal et du réel devient plus dur encore, et le mensonge est plus frappant. Ce seigneur est un père, dans l’idée primitive ; il rend paternellement la justice, assisté du starost, ou ancien du village…Ce père, dans la réalité, est un maître terrible, plus czar. dans son village que l’empereur dans Petersbourg il bat à volonté ; à volonté, il prend votre fille ou vous-même, vous fait soldat, vous fait mineur de Sibérie, vous jette, pour mourir loin des vôtres, aux nouvelles fabriques, vrais bagnes qui sans cesse achètent des

serfs et les dévorent.

L’état des libres est pire, et personne n’a intérêt