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Au temps ordinaire du partage, la famille qui se trouve réduite par la mort reçoit moins de terre, la famille augmentée en reçoit davantage. Elle est tellement intéressée à ne pas diminuer de nombre, que, si un vieillard meurt, le vieux père, par exemple, la famille adopte un vieillard, se fait un père pour remplacer le mort.

La force de la Russie (analogue sous quelques rapports à celle des États-Unis d’Amérique), c’est qu’elle a dans son sein une sorte de loi agraire, je veux dire une distribution perpétuelle de terre à tous les survenants. On ne trouve pas beaucoup d’étrangers qui veuillent en profiter, au risque de devenir serfs. Mais les enfants viennent à l’aveugle en foule, en nombre énorme. Tout enfant qui ouvre les yeux a sa part toute prête, qu’il recevra de la commune ; c’est comme une prime pour naître, l’encouragement le plus efficace à la génération.

Monstrueuse force de vie, de multiplication ! épouvantable pour le monde, si cette force n’était balancée ! Mais l’action de la mort n’est pas moins monstrueuse ; elle a ses deux ministres, tous deux expéditifs : un atroce climat, un gouvernement plus atroce.

Ajoutez que dans ce communisme même qui encourage tellement à naître et à vivre, il y a, en récompense, une force de mort, d’improductivité, d’oisiveté, de stérilité. L’homme, non responsable, se reposant sur la commune, reste comme endormi dans