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la douceur et la tendresse. Il était confiant, crédule, se laissait prendre aisément aux paroles des femmes et des rois. Un peu chimérique, peut-être, d’une âme poétique et romanesque, amoureux toute sa vie (mais de la même personne), il suffisait d’un enfant pour le conduire, et lui-même il mourut enfant.

Ces défauts sont-ils ceux d’un homme ou ceux de la nation ? Nous les retrouvons bien des fois dans les héros de son histoire. Il ne faut pas trop s’étonner si le grand citoyen moderne n’en est pas moins de leur famille. S’il eût été autre, il n’eût pas représenté d’une manière si complète toute l’âme de son noble pays. Je ne sais si ce sont des taches, mais il fallait qu’elles fussent en ce caractère. Nous l’aimons, même à cause d’elles, y reconnaissant l’antique Pologne… Et nous t’embrassons d’autant plus, pauvre vieux drapeau !

Est-il sûr que Kosciusko aurait sauvé la Pologne avec plus de rigueur civique ? J’en doute ; mais ce dont je suis sûr, c’est que la bonté extraordinaire, si grande, qui fut en lui, a eu des effets immenses, infiniment favorables à l’avenir de sa patrie. D’une part, elle lui a gagné le cœur de toutes les nations ; beaucoup sont restées convaincues que l’absolue bonté humaine s’est trouvée dans un polonais. D’autre part, en cette haute excellence morale, les classes diverses de la Pologne, si malheureusement séparées, ont trouvé un idéal commun et leur nouveau point d’union. Les nobles ont salué en lui le chevalier de