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' DE LA RUSSIE. *IM

Ayez pitié de vous-mêmes… Et que risquez-vous enfin, sinon de mourir ?

Mais ne mourez-vous pas déjà ? Cette vie, n’est-ce pas une mort ?

Plusieurs, dans cette situation désolante, essayent de se tromper eux-mêmes. Ils s’efforcent d’être ambitieux pour la grandeur de la Russie.

Distinguons, messieurs, distinguons. Ce mot a deux sens bien divers, l’empire et la nation. Or, l’empire n’a pas fait un pas, je me charge de le prouver, qui n’ait été un pas aussi dans l’anéantissement de votre génie national, l’effacement de l’esprit slave qui était en vous. La seule bonne définition du terrible gouvernement que vous subissez, c’est : la mort de la Russie.

D’autres, sans chercher à se tromper, ferment les yeux, se livrent à la fatalité ; ils s’assoient en plein scepticisme, se posent sur l’abîme même : « Qui sait où est la raison ? disent-ils. Nous sommes corrompus, c’est vrai. L’occident ne l’est pas moins… Jouissons, et puis mourons. »

Oui, l’occident est corrompu, mais dans les couches supérieures, les seules que vous connaissez, bien plus que dans celles d’en bas. La France a de plus cela, que, plus ou moins corrompue, elle garde toujours une puissante virtualité de régénération morale par la force des idées. La France vit de l’esprit, et elle y trouve d’inépuisables ravinements, des retours et