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fond de l’âme. À l’Italie, il dira : " donne-moi tes vieilles discordes, ton esprit d’isolement et d’orgueil local ; j’en veux faire un sacrifice… Tu ne seras libre que dans l’unité. " - À l’Allemagne, il dira : " donne-moi tes deux vices d’esprit, opposés, et que tu trouves moyen d’unir à la fois, scolastique et rêverie. Donne-moi la somnolence de tes bourgeois philistins. Bonne-moi ta foi aux livres, à tous les mensonges écrits. " À la Hongrie, il dira : " taillant peuple, donne ton orgueil ; donne ta vieille royauté… Sois frère au milieu de tes frères… La royauté vaut-elle la fraternité ?…"

L’ennemi est peu de chose au grand combat qui se prépare. L’ennemi redoutable est en nous, en nous le mal qu’il faut craindre ! Et la France ! je n’ose penser à tout ce que Dieu doit réclamer d’elle, pour qu’elle soit digne d’agir ! .. : ah ! peuple que l’Angleterre même a nommé le soldat de dieu, songe à quelle purification ce titre t’oblige ! La chevalerie, souviens-t’en, n’avait droit de prendre l’épée qu’après la purification de l’âme et du corps, le bain qui ôte les souillures…

Qui précédera tout le monde au sacrifice préalable, la veille de la bataille au soir ? La Pologne, comme toujours.

Elle n’a pas attendu. Les premiers, tels de ses enfants ont mis sur l’autel une offrande inouïe, immense… la haine de la Russie !