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dira-t-elle : " je ne suis pas votre sœur. J’ai mon Dieu ; cherchez vos dieux ! "

Je ne vous propose pas de renier vos croyances, Polonais, Je le sais, vous êtes fidèles ; vous ne sûtes jamais déserter. Cette foi, je ne vous demande pas de l’abjurer, mais de la comprendre, de l’étendre et de l’agrandir. Vous avez longtemps, comme tous les enfants, répété des mots ; hommes par l’âge et la douleur, il est temps d’aller à l’idée. Le Dieu qu’on vous mit sur l’autel dans telle image de pierre, sentez-le donc maintenant dans le genre humain, dans son image de chair. La religion du monde n’est plus la foi égoïste, qui fait son salut à part et va solitaire au ciel. C’est le salut de fous par tous, la fraternelle adoption de l’humanité par l’humanité. Plus d’incarnation individuelle ; dieu dans tous, et tous messies !

Qui, de nos jours, ne sent Dieu tressaillir en lui ? qui, dans les heures de souffrances, par le cœur, ne sent l’avenir ?

Mais il ne faut pas seulement le voir et le sentir, il faut le vouloir, et, par un immense élargissement du cœur, accepter d’avance tous les sacrifices que nous imposera demain le monde nouveau. Qui n’aura à sacrifier ? De quelque côté que je regarde les nations qui vont être les acteurs du nouveau drame, je vois qu’avant toute action Dieu va leur demander à chacune de lui donner ce à quoi elles tiennent le plus ; généralement le vieux vice, le vice chéri, cultivé au