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mais en obligeant le seigneur de garder la plus dangereuse, la plus odieuse de ses prérogatives féodales, la justice patrimoniale, l’hérédité de la justice, le rivant sur ce siège de juge dont il eût voulut descendre.

L’Autriche, en Gallicie, a diminué les corvées, mais en forçant les nobles d’exercer pour elle la tyrannie autrichienne, d’être ses percepteurs et ses recruteurs, de lever les impôts, de choisir les hommes pour le service militaire… Vives réclamations des nobles : on n’y fait nulle attention,

De 1843 à 1846, ils prient et supplient l’Autriche de leur permettre de changer la condition du paysan, d’abolir toute corvée, de faire pari au cultivateur, en sorte qu’il ait sa terre à lui. Le gouvernement leur fait les réponses les plus gracieuses ; il ajourne, gagne du temps, et, sous main, organise contre eux le massacre de 1846. Au lieu d’avantages possibles et lointains, il donne de l’argent comptant, tant pour chaque tête de noble. Ceux qui ont cru voir dans cette Saint-Barthélémy un mouvement populaire se détromperont en apprenant qu’on n’a égorgé de nobles que les patriotes, pas un aristocrate.

Le jeu de la Russie ne pouvait être le même. Ayant tellement à craindre chez elle les révoltes de serfs, elle s’est bornée jusqu’ici à deux choses : d’une part, elle a empêché toute amélioration proposée par les propriétaires polonais ; de l’autre, elle a saisi toute occasion