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pas de nation, il y a un bureau et un fouet ; le bureau, c’est l’allemand ; le fouet, c’est le cosaque.

C’est ce qui rendit le partage si facile : la Russie était un gouvernement, avec ou sans nation, et la Pologne une nation sans gouvernement.

Celle-ci était restée à peu près au point des États du seizième siècle, avant la centralisation. Elle avait beaucoup de vie, mais dispersée sur son territoire. Cette vie n’étant pas centralisée, en tuant ce qu’elle avait de central, on n’a rien tué du tout.

Les puissances le savent bien. Leur œuvre leur semble à elles-mêmes si artificielle, si peu solide, que, pour en prévenir la ruine, dans laquelle elles périraient, elles se sont ménagé un remède épouvantable ; elles ont dans chaque partie soigneusement cultivé un germe de guerre sociale ; de sorte que le jour où la Pologne essayerait de tirer l’épée, on puisse à vingt endroits lui enfoncer le poignard.

Il est curieux d’observer les moyens qu’a employés le machiavélisme des trois puissances, leurs arts divers et spéciaux pour fomenter la haine ; mécanique ingénieuse, telle qu’aucun autre spectacle ne dut jamais plus réjouir l’enfer. Mais non, l’enfer est ici-bas.

Ici, on força le seigneur de rester seigneur malgré lui. Là, on le fit fonctionnaire, lui imposant des fonctions détestées du peuple.

La Prusse a graduellement émancipé le paysan, elle l’a fait participer à la propriété,