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tel changement en Pologne eût entraîné en Russie une immense révolution.

Kosciusko ne tarda pas à voir que l’empereur ne ferait rien de ce qu’il avait promis. L’aspect des troupes alliées qui mangeaient la France lui était intolérable. Il passa en Suisse, C’est de là qu’il écrit (dans sa lettre à Czartoriski) ces nobles et tristes paroles : " l’empereur a ressuscité le nom de Pologne, mais le nom n’est pas assez… Je me suis offert en sacrifice pour ma patrie, mais non pour la voir restreinte à ce petit territoire qu’on décore avec emphase du nom de Pologne. "

Ses derniers jours se passèrent dans une grande mélancolie. Il ne pouvait, il ne voulait point revoir sa patrie telle qu’on l’avait faite. Non marié, sans famille que celle de son hôte, il arrivait au terme de l’âge, et se voyait bientôt mourir sur la terre étrangère. Quelqu’un lui ayant dit un jour les vers français si connus :

de ta tige détachée,

Pauvre feuille desséchée"

Où vas-tu ? — Je n’en sais rien…

il fut atteint profondément et s’empressa de les écrire. Il y retrouvait son image, à lui, pauvre vieux exilé, l’image aussi de sa patrie, ballottée aux vents du Nord parmi tant d’événements… Il ne voyait plus guère que deux sortes de personnes,