Page:Michelet - La Pologne martyr, Dentu, 1863.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

chaumières d’un village inoffensif. Il fond sur eux hardiment, et saisissant sur plusieurs l’uniforme polonais : "malheureux ! quand je commandais de vrais polonais, pas un ne pensait au pillage !…- Et qui donc es-tu, toi qui parles ! disaient-ils, le sabre levé. — Le général Kosciusko. " - Voilà des hommes terrassés… Ils se mettent à éteindre l’incendie qu’ils ont allumé. Les Russes viennent de toutes parts en pèlerinage à la maison de Kosciusko, en tête l’hetman des Cosaques, le vieux Platow, qui ne se rappela jamais cette entrevue sans que ses yeux fussent humectés de larmes.

On sait l’état tout mystique où se trouvait l’empereur Alexandre après sa miraculeuse délivrance de Moscou et son improbable victoire sur celui qui avait apparu ici-bas comme la victoire elle-même. Il croyait devoir tout à Dieu. La première idée de la Sainte-Alliance fut véritablement sincère. Mais cette alliance ne pouvait être vraiment sainte, à moins d’expier, de rendre le bien mal acquis. Là était la difficulté. Quelle serait l’année normale à laquelle on reviendrait ? Si c’était 89, on retrouvait là, il est vrai, la vieille monarchie française, mais aussi on retrouvait, on devait recomposer la république de Pologne. Si c’était 94, il n’y avait point de Pologne ; mais alors il fallait refaire une grande France républicaine, qui embrassait les Pays-Bas, la Hollande, la Savoie et Gênes. On finit par y renoncer. On fit une Sainte-Alliance sans aucune base