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le cœur honnête. Il avait été fort contraire au partage de la Pologne. " Maintenant, comment la rendre, disait-il, cette Pologne ? La Prusse et l’Autriche voudront-elles aussi rendre leur part ?… Là est la difficulté ! "

Ces bonnes dispositions de Paul furent singulièrement atténuées dès le lendemain par les traîtres polonais qui, ayant livré leur pays aux Russes, étaient indignés, de voir Paul honorer Kosciusko. On ne lui rendit la liberté qu’à la condition de recevoir de l’empereur un don considérable de terres. À ce prix, il lui fut permis de passer en Amérique. L’impératrice, femme de Paul, belle et politique personne, fut très caressante pour lui au départ ; elle voulut lui dire adieu ; on amena le paralytique à travers les appartements, dans la même chaise roulante qui avait servi à Catherine ; la jeune impératrice le pria de lui envoyer des graines de l’Amérique, et lui donna une superbe machine à tourner : c’était le seul amusement de Kosciusko dans son immobilité.

Son premier soin, en mettant le pied sur le sol américain, fut de remercier l’empereur et de lui rendre les terres qu’il tenait de lui. Les États-Unis, reconnaissants pour leur ancien défenseur, lui payèrent pour solde et indemnité de ses services une somme de 150.000 francs. Il en consacra la moitié à affranchir les paysans des corvées dans une petite terre de Pologne qu’avait sa famille, l’autre, à une fondation pour le rachat