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mot. Il resta vingt-quatre heures sans connaissance, sans pouls et sans parole. Les Cosaques l’environnaient et se désespéraient de l’avoir tué. Ils savaient parfaitement des paysans polonais que c’était le père du peuple. On ne parlait que de sa simplicité héroïque et de son amour des pauvres. Tous les Russes commençaient à le regarder comme un saint.

Catherine, humaine ou inhumaine, au gré de sa politique, ordonna deux choses : à Suwarow de donner aux polonais une leçon sanglante, et il en résulta le massacre de Varsovie, où 10.000 hommes, femmes et enfants, furent égorgés pêle-mêle ; mais en même temps elle ordonna à Fersen d’avoir les plus grands égards pour Kosciusko. La sensible Catherine le fit venir tout près d’elle, pour le mieux soigner ; on ne tarissait pas en éloges de son humanité ; on appelait Kosciusko le favori de l’impératrice. Tout le monde y était trompé, au point que certains Polonais s’adressèrent à Kosciusko pour qu’il obtînt leur liberté !…

Quoi qu’il en fût de cette bienveillance apparente ou réelle, il ne se rétablissait point. Le sang qu’il perdait toujours le tenait dans une extrême faiblesse ; une de ses jambes avait perdu le mouvement, et ses facultés intellectuelles étaient comme paralysées. Il a dit jusqu’à la mort qu’il regrettait d’avoir été si mal soigné des chirurgiens russes. Faut-il croire qu’il n’y eut aucun homme habile dans ce grand empire ? Ou