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fenêtres recevaient (heureusement un peu de côté) l’immense vent du sud-ouest qui apportait un torrent, non, mais un déluge, l’Océan soulevé en pluie. Du premier jour, en grande hâte, et non sans beaucoup de peine, il fallut fermer les volets, allumer les bougies si l’on voulait voir en plein jour. Dans les pièces qui regardaient la campagne, le bruit, la commotion, étaient tout aussi sensibles. Je persistais à travailler, curieux de voir si cette force sauvage réussirait à opprimer, entraver un libre esprit. Je maintins ma pensée active, maîtresse d’elle-même. J’écrivais et je m’observais. À la longue seulement la fatigue et la privation de sommeil blessaient en moi une puissance, la plus délicate de l’écrivain, je crois, le sens du rhythme. Ma phrase venait inharmonique. Cette corde, dans mon instrument, la première se trouva cassée.

Le grand hurlement n’avait de variante que les voix bizarres, fantasques, du vent acharné sur nous. Cette maison lui faisait obstacle ; elle était pour lui un but qu’il assaillait de cent manières. C’était parfois le coup brusque d’un maître qui frappe à la porte ; des secousses, comme d’une main forte pour arracher le volet ; c’étaient des plaintes aiguës par la cheminée, des désolations de ne pas entrer, des menaces si l’on n’ouvrait pas, enfin des emportements, d’effrayantes tentatives d’en-