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Encore dans l’incertitude, je regardai derrière moi, et consultai Cordouan. Il me parut, sur son écueil, d’une pâleur fantastique. Sa tour semblait un fantôme qui disait : « Malheur ! malheur ! »



Je calculai mieux la situation. Je vis très bien que le vent de terre non seulement serait vaincu, mais qu’il était l’auxiliaire de son ennemi. Ce vent de terre soufflait très bas sur la Gironde, enfonçait, abattait tout obstacle inférieur, aplanissait par-dessous la voie aux hauts nuages sombres qui partaient de l’Océan ; il leur faisait comme un rail glissant, sur lequel montés ils venaient d’autant plus vite. En peu de temps, tout fut fini du côté de la terre, tout souffle cessa, tout s’éteignit en teintes grises ; sans obstacle régnèrent les vents supérieurs.

Quand j’arrivai dans les vignes de Vallière, près de Saint-Georges, beaucoup de gens étaient aux champs, achevant en hâte ce qu’ils avaient à faire, et pensant que de longtemps on ne pourrait travailler. Les premières gouttes de pluie tombaient, mais en un moment il fallut fuir à la maison.