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ne présenta guère de sinistres en ces parages qu’une barque brisée en juin. Mais je ne sais quelle agitation faisait prévoir des malheurs. Septembre vint, et octobre. Le monde brillant des visiteurs, qui ne veut de la mer que ses sourires, déjà s’était éclipsé. Je restai, attaché là par mon travail inachevé, et aussi par l’attrait étrange qu’ont ces saisons intermédiaires.

On remarquait des vents changeants, bizarres, et qu’on ne voit guère : exemple, un vent brûlant de l’est, un souffle d’orage venant du côté toujours serein. Les nuits étaient parfois chaudes (et plus en septembre qu’en août), sans sommeil, agitées, nerveuses ; le pouls était fort, ému sans cause apparente, l’humeur inégale.

Un jour que nous étions assis dans les pinadas, battus par le vent, un peu garantis pourtant par la dune, nous entendîmes une jeune voix, singulièrement claire et perçante ; d’un fin et fort timbre d’acier. C’était pourtant une très jeune fille, fort petite, de profil austère. Elle passait avec sa mère, et chantait de toutes ses forces des paroles d’une vieille chanson. Nous les priâmes de s’asseoir et de la chanter tout du long.

Ce petit poème rustique disait merveilleusement le double esprit de la contrée. La Saintonge est agricole, aime le foyer. Ce ne sont pas là les Bas-