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obstinée des vents d’ouest et de sud, qui semblent vouloir nous jeter toutes les pluies de l’Atlantique et du grand Océan austral.



J’observai cette tempête d’un lieu aimable et paisible, dont le caractère très doux ne faisait rien attendre de tel. C’est le petit port de Saint-Georges, près Royan, à l’entrée de la Gironde. Je venais d’y passer cinq mois en grande tranquillité, me recueillant, interrogeant mon cœur, y cherchant de quoi répondre au sujet que j’ai traité en 1859, sujet si délicat, si grave. Le lieu, le livre, se mêlent agréablement dans mes souvenirs. Aurais-je pu l’écrire ailleurs ? je ne sais. Ce qui est sûr, c’est que le parfum sauvage du pays, sa douceur sévère, les senteurs d’amertume vivifiante dont ses bruyères sont charmées, la flore des landes, la flore des dunes, ont fait beaucoup pour ce livre et s’y retrouveront toujours.

La population du lieu allait bien à cette nature. Rien de vulgaire, nulle grossièreté. Les agriculteurs y sont graves, de mœurs sérieuses. Les marins sont des pilotes, une petite tribu protestante, échappée aux persécutions. Une honnêteté primitive (la ser-