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tourbillon et qui jouit de tous côtés du terrible panorama ?

Nous devons aux navigateurs, nous autres hommes de terre, ce respect de tenir grand compte des faits qu’ils attestent, de ce qu’ils ont vu et souffert. Je trouve de très mauvais goût la légèreté sceptique que des savants de cabinet ont montrée relativement à ce que les marins nous disent, par exemple de la hauteur des vagues. Ils plaisantent les navigateurs qui la portent à cent pieds. Des ingénieurs ont cru pouvoir prendre mesure à la tempête, et calculer précisément que l’eau ne monte guère à plus de vingt pieds. Un excellent observateur nous assure tout au contraire avoir vu fort nettement, du rivage, en sécurité, des entassements de vagues plus élevés que les tours de Notre-Dame et plus que Montmartre même.

Il est trop évident qu’on parle de choses différentes. De là la contradiction. S’il s’agit de ce qui fait comme le champ de la tempête, son lit inférieur, si l’on parle des longues rangées de vagues qui roulent en ligne et gardent dans leur fureur quelque régularité, le rapport des ingénieurs est exact. Avec leurs crêtes arrondies et les vallées alternatives qu’elles présentent tour à tour, elles déferlent au plus dans une hauteur de vingt à