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a fait plus encore ; car par la force du cœur et par l’amour de la nature, autant que par le positif de ses résultats, il a enlevé le monde. Ses cartes et son premier ouvrage, tiré à cent cinquante mille, sont libéralement donnés aux marins de toute nation par la république des États-Unis. Nombre d’hommes éminents, en France et en Hollande, Jansen, Tricaut, Julien, Margollé, Zurcher et autres, se sont fait les interprètes, les éloquents missionnaires de cet apôtre de la mer.

Pourquoi l’Amérique, en cela, a-t-elle fait plus que nous ? L’Amérique c’est le désir. Elle est jeune, et elle brûle d’être en rapport avec le globe. Sur son superbe continent, et au milieu de tant d’États, elle se croit pourtant solitaire. Si loin de sa mère l’Europe, elle regarde vers ce centre de la civilisation, comme la terre vers le soleil, et tout ce qui la rapproche du grand luminaire la fait palpiter. Qu’on en juge par l’ivresse, par les fêtes si touchantes auxquelles donna lieu là-bas le télégraphe sous-marin qui mariait les deux rivages, promettait le dialogue et la réplique par minutes, de sorte que les deux mondes n’auraient plus qu’une pensée !