Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Maury estime que celui qui part des Antilles et qui pousse au nord vers nous déplace et modifie le quart des eaux de l’Atlantique.

Ces grands traits de la vie des mers, observés récemment, étaient pourtant visibles autant que les continents mêmes. Notre grosse artère Atlantique, sa sœur, l’artère Indienne, s’annoncent assez par leur couleur. Des deux côtés également, c’est un grand torrent bleu qui court sur les eaux vertes, très bleu, d’un indigo si sombre, que les Japonais appellent le leur : le fleuve noir.

On voit très bien sourdre le nôtre, entre Cuba et la Floride ; il sort brûlant de sa chaudière, le golfe du Mexique. Il court, chaud, salé, très distinct entre ses deux murs verts. L’Océan a beau faire ; il le serre, il le comprime, mais il ne peut le pénétrer. Je ne sais quelle densité intrinsèque, quelle attraction moléculaire tient ces eaux bleues liées ensemble, si bien que, plutôt que d’admettre l’eau verte, elles s’accumulent, forment un dos, une voûte, qui a sa pente à droite et à gauche ; tout objet qu’on y jette en dérive et en glisse, étant plus haut que l’Océan.

Rapide et fort, il court d’abord au nord, en suivant les États-Unis ; mais quand il arrive à la pointe du grand banc de Terre-Neuve, son bras droit pousse à l’Est, son bras gauche se subordonne, comme