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l’équateur, et séparent immuablement les Alizés de notre hémisphère boréal et les Alizés de l’hémisphère Sud. De lourds nuages pèsent ; de grandes pluies fondent à chaque instant. On s’attriste, on se plaint, mais sans ce rideau sombre, de quelles flèches de feu le soleil frapperait les têtes ébranlées sur le miroir de l’Atlantique ! Sans les déluges qui assaillent l’autre face du globe, la mer Indienne et la Mer de corail, quelle serait leur fermentation aux cratères de leurs vieux volcans ! Cette masse noire de nuages, jadis la terreur, la barrière de la navigation, cette nuit subite étendue sur les eaux, c’est précisément le salut, la facilité protectrice qui nous adoucit le passage, et nous fait bientôt retrouver au sud le beau soleil et le ciel pur, la douceur des vents réguliers.

Tout naturellement la chaleur de la Ligne élève l’eau en vapeurs, et forme cette bande sombre.

L’observateur qui, d’une autre planète, regarderait la nôtre, verrait planer sur elle un anneau de nuages, à peu près comme on voit l’anneau de Saturne. S’il en cherchait l’usage, on pourrait lui répondre : C’est le régulateur qui, absorbant et rendant tour à tour, équilibre l’évaporation, la précipitation des eaux, distribue les pluies, les rosées, modifie la chaleur de chaque contrée, échange les vapeurs des deux mondes, emprunte