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trop grand. J’y voyais nombre de barques abandonnées, inutiles. La pêche est devenue stérile. Le poisson a fui. Étretat languit, périt, près de Dieppe languissante. De plus en plus, il est réduit à la ressource des bains ; il attend sa vie des baigneurs, du hasard des logements, qui, tantôt loués, tantôt vides, rapportent un jour, et l’autre appauvrissent. Ce mélange avec Paris, le Paris mondain, quelque cher que celui-ci paye, est un fléau pour le pays.

Nos populations normandes, qui découvrirent l’Amérique, qui, dès le quatorzième siècle, conquirent la côte d’Afrique, de moins en moins aiment la mer. Beaucoup tournent désormais le dos à la côte et regardent vers l’intérieur. Le descendant de celui qui jadis lança le harpon se résigne au métier de femme, devient un cotonnier blême de Montville ou de Bolbec.

C’est à la science, à la loi, d’arrêter cette décadence. La première, par sa direction habile, si elle est fermement suivie, créera l’économie de la mer et reconstituera la pêche, école de la marine. La seconde, moins exclusivement influencée de l’intérêt de la terre, gardera dans le marin la fleur du pays, élite à part, nullement comparable aux grandes masses dont nous tirons le soldat, et qui sera le vrai soldat dans telles cir-