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Ces trois choses font la gamme où l’infini parle à notre âme. Toutefois, notons la différence :

La première est si mobile, que nous l’observons à peine : elle trompe, elle leurre, elle amuse ; elle disperse et rompt nos pensées. C’est par moment l’espoir immense, un jour subit dans l’infini ; on va voir jusqu’au fond de Dieu… Non, tout s’enfuit ; le cœur est chagrin, trouble et plein de doute. Pourquoi m’avoir fait entrevoir ce sublime songe de lumière ? je ne puis plus l’oublier, et le monde en reste obscur.

Le fixe océan des montagnes ne fuit pas ainsi. Au contraire. Il nous arrête à chaque pas, nous impose une très dure et salutaire gymnastique. La contemplation s’y achète par la plus violente action. Cependant l’opacité de la terre, comme la transparence de l’air, souvent nous trompe et nous égare. Qui ne sait que Ramond, dix ans, chercha en vain le Mont-Perdu, qu’on voit et qu’on ne peut atteindre ?

Grande, très grande différence entre les deux éléments : la terre est muette, et l’Océan parle. L’Océan est une voix. Il parle aux astres lointains, répond à leur mouvement dans sa langue grave et solennelle. Il parle à la terre, au rivage, d’un accent pathétique, dialogue avec leurs échos ; plaintif, menaçant tour à tour, il gronde ou soupire. Il