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mobiles ont resté seuls. Mais d’autres, plus vifs, avaient fui. Les voilà qui se rassurent. La crevette sautillante, de ses palpes fines et légères, irise l’eau ; elle se charge de faire la vague et la tempête à la mesure d’un tel océan. L’araignée de mer, lente et incertaine, se livre par sa craintive audace : elle remonte à la lumière, à la surface tiède. Un personnage prudent, tapi au fond du goémon, sous les corallines violettes, le crabe s’avance curieux, et après un coup d’œil furtif, se replonge dans sa forêt.

« Mais que vois-je ? et qu’est ceci ? Une grosse coquille immobile prend vie, entreprend d’avancer… Oh ! ceci n’est pas naturel. La fraude est grossière. L’intrus se trahit par ses étranges culbutes… Qui ne vous reconnaîtrait, beau masque, sire Bernard l’Ermite, crabe rusé qui voulez faire l’innocent mollusque. Votre mauvaise conscience vous trouble et vous agite trop. »

Au rivage de notre océan, étrangères à ces mouvements, les fleurs animées épanouissent leur corolle. Près de la lourde anémone, de charmantes petites fées, des annélides, apparaissent et se produisent au soleil. D’un tube tortueux surgit un disque, une ombrelle blanche ou lilas, et parfois de couleur de chair. Rejetée un peu de côté, elle a dégagé d’elle-même un objet qui n’a rien de comparable dans le monde végétal. Pas une