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vie va se créant, s’enfantant. Voulez-vous savoir pourquoi son instinct si vite lui révèle la création, pourquoi elle entre de plain-pied (comme quelqu’un rentrerait chez soi) dans le mystère de la nature ? Elle est la nature elle-même.

Au fond de l’eau onctueuse, de petites algues, petites, mais grasses et nourrissantes, d’autres plantes lilliputiennes de fins et jolis dessins, sont là, prairie patiente, pour alimenter leurs bestiaux, les mollusques, qui broutent dessus. Patelle et buccin, turbot, moules violettes, tellines roses ou lilas, tous, gens tranquilles, attendront. Mieux garanties, les balanes, dans leur ville fortifiée, ferment leurs quadruples volets. Demain, ils y seront encore. Est-ce à dire qu’en leur inertie ils ne rêvent pas le mouvement ? qu’ils n’aient pas la confuse idée et l’amour de l’inconnu ? de quelqu’un de bienveillant qui viendra à certaines heures les rafraîchir et les nourrir ?… Oh ! ils y songent, ils attendent. Veufs du grand époux l’Océan, ils savent qu’il va revenir vers la terre et la caresser. D’avance, ils regardent vers lui, et ceux qui ont des maisons fixes ont bien soin de tenir la porte en ce sens et prête à ouvrir. S’il est un peu violent, tant mieux, ils n’en sont que plus aises, trop heureux de ce flot vivant qui va puissamment les bercer.

« Vois, mon enfant, à notre approche, ces im-