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Mais revenons à l’Océan. Aux heures où il se retire, il manifeste lui-même et vous offre en quelque sorte la riche vie qu’il nourrit en lui. Il faut le suivre pas à pas, avancer sur le sable humide, qui alors enfonce un peu. N’ayez peur. Le flot amolli tout au plus veut baiser vos pieds. Si vous regardez, vous verrez que ce sable n’est pas mort, qu’ici et là s’agitent nombre de retardataires que le reflux a surpris. Des petits poissons s’y cachent, sur certaines plages. À l’embouchure des rivières, l’anguille frétille dessous, et fait de petits tremblements de terre. Le crabe, trop acharné au repas ou au combat, a voulu, mais un peu tard, rejoindre la mer. Sa fuite laisse à la surface une mosaïque étrange, le zigzag de sa marche oblique. Où cette ligne finit, vous le découvrez blotti qui attend la marée prochaine. Le solen (manche de couteau) a plongé, mais sa retraite est trahie par l’entonnoir qu’il réserve pour respirer. La vénus l’est par un fucus attaché à sa coquille qui dépasse à la surface et révèle son logis. Les ondulations du sol vous dénoncent les galeries des annélides guerrières ; leur arsenal vous charmerait, et l’iris (vue au microscope) de leurs changeantes couleurs.

Le plus beau coup de théâtre se fait aux grandes marées. L’Océan qui monta beaucoup, d’autant plus, au reflux, recule. Il découvre alors, il livre des