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s’en va complète, mari, femme, enfants, domestiques. — Si j’osais donner mon avis, je dirais : « Qu’elle parte seule. »

Ce départ en compagnie, d’abord gai et agréable, a souvent des suites tout autres. On s’incommode, on se brouille, et l’on revient ennemis, — ou (pis encore) trop amis. Le désœuvrement des bains a trop souvent des résultats imprévus, qu’on regrette toute la vie. Le moindre inconvénient qui, selon moi, n’est pas petit, c’est que des gens qui, séparés, auraient mieux senti la mer, et en auraient rapporté une bonne et grande impression, vont, s’il leur faut vivre ensemble, continuer la vie de la grande ville (frivolité, vulgarité, fausse gaieté, etc.). Seul, on s’occupe, et on pense. Ensemble, on jase, on médit. Ces amis riches et mondains traîneront la jeune dame à leurs amusements. Elle en aura l’agitation, une existence plus trouble, et plus antimédicale que celle qu’elle avait à Paris. Elle manquera tout à fait le but. Réfléchissez-y, madame. Soyez courageuse et prudente. C’est dans une solitude sérieuse, dans la petite vie innocente que vous aurez là avec votre enfant, vie, s’il le faut, enfantine, mais pure, mais noble, poétique, c’est, dis-je, dans une telle vie que vous trouverez vraiment le renouvellement désiré. La justice délicate et tendre qui vous fait craindre le plaisir, quand