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la vôtre à cette mer discrète. Personne n’en saura rien que les vieilles pierres druidiques, qui, seules avec quelques pêcheurs, habitent ces lieux sauvages et doux. — « Mais, dit-elle, de quoi y vit-on ? — Surtout de pêche, madame. — Et de quoi encore ? — De pêche. » Ce n’est pas loin de Saint-Gildas, l’abbaye où les Bretons disent qu’Héloïse vint rejoindre Abailard. Ils y vécurent de peu de chose, du régime sobre et solitaire de Robinson, de Vendredi.

Des lieux plus civilisés, aimables, charmants, se trouvent en allant au Midi : Pornic, Royan et Saint-Georges, Arcachon, etc.

J’ai parlé ailleurs de Saint-Georges, la douce plage aux senteurs amères. Arcachon est aussi très doux dans ses pinadas résineuses qui ont si bonne odeur de vie. Sans l’invasion mondaine de cette grande et riche Bordeaux, sans la foule qui, à certains jours, afflue et se précipite, c’est bien là qu’on aimerait à cacher ses chers malades, les tendres et délicats objets pour qui l’on craint le choc du monde. Ce lieu, tant qu’il fut contenu dans son bassin intérieur, avait le contraste d’offrir un calme profond, absolu, à deux pas d’une mer terrible. Hors du phare, le furieux golfe de Gascogne. Au dedans, une eau somnolente et la langueur d’un flot muet qui ne fait guère plus de bruit que n’en peut faire le petit pied sur le coussin élastique de la molle al-