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Dans quel affreux désert, dans quelle sombre forêt ne va-t-on pas chercher les eaux qui sortent de la terre ! Quelle religion superstitieuse pour ces sources redoutables qui nous apportent les vertus cachées et les esprits du globe ! J’ai vu des fanatiques qui n’avaient de Dieu que Carlsbad, ce miraculeux rendez-vous des eaux les plus contradictoires. J’ai vu des dévots de Barèges. Et, moi-même, j’eus l’esprit frappé devant les fanges bouillonnantes où l’eau sulfureuse d’Acqui fourmille, se travaille elle-même avec d’étranges pulsations qu’on ne voit qu’aux êtres animés.

Les thermes, c’est la vie ou la mort ; leur action est décisive. Que de malades auraient langui et leur ont dû une prompte fin ! Souvent ces puissantes eaux donnent une subite renaissance, ramènent un moment la santé et font un rappel redoutable des passions d’où est né le mal. Celles-ci reviennent violentes, à gros bouillons, comme les sources brûlantes qui les réveillent. Fumées, vapeurs sulfureuses, air enivrant de la contrée, tout cela semble l’aura qui gonflait, troublait la sibylle et la forçait de parler. C’est une éruption en nous qui fait éclater en dehors ce qu’on aurait caché le plus. Rien ne l’est dans ces babels où, sous prétexte de santé, on vit hors des lois de ce monde, comme dans les libertés de l’autre. Morts