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plages, grèves et falaises

relation suivie avec elle, les grandes plages sablonneuses (si le sable n’est trop mou) sont bien plus commodes. Elles permettent des promenades infinies. Elles laissent rêver. Elles souffrent, entre l’homme et la mer, des épanchements mystérieux. Jamais je ne me suis plaint de ces vastes et libres arènes où d’autres trouvent un grand ennui. Je ne m’y trouve pas seul. Je vais, je viens, je le sens. Il est là le grand compagnon. Pour peu qu’il ne soit pas trop ému, de mauvaise humeur, je me hasarde à lui parler, et il ne dédaigne pas de répondre. Que de choses nous nous sommes dites aux paisibles mois où la foule est absente sur les plages illimitées de Scheveningen et d’Ostende, de Royan et de Saint-Georges ! C’est là qu’en un long tête-à-tête, quelque intimité s’établit. On y prend comme un sens nouveau pour comprendre la grande langue.

On trouve triste l’Océan, lorsque des tours d’Amsterdam, le Zuiderzée apparaît terreux et d’un flot de plomb, lorsqu’aux dunes de Scheveningen on voit ses eaux surplombantes, toujours prêtes à franchir la digue. Moi, ce combat m’intéresse ; cette terre m’attache, toute sérieuse qu’elle peut être ; c’est l’effort, la création, l’invention de l’homme. Et la mer aussi me plaît, par les trésors de vie féconde que je lui sais dans son sein. C’est une des plus peuplées du monde. Vienne la nuit de