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saille, elle a des retours terribles de force et de douleur. Elle est morte, et sa queue, comme galvanisée, frémit d’un mouvement redoutable. Ils vibrent, ces pauvres bras, naguère chauds d’amour maternel ; ils semblent vivre encore et chercher encore le petit.



On ne peut se représenter ce que fut cette guerre, il y a cent ans ou deux cents ans, lorsque les baleines abondaient, naviguaient par familles, lorsque des peuples d’amphibies couvraient tous les rivages. On faisait des massacres immenses, des effusions de sang, telles qu’on n’en vit jamais dans les plus grandes batailles. On tuait en un jour des quinze ou vingt baleines et quinze cents éléphants marins ! C’est-à-dire qu’on tuait pour tuer. Car comment profiter de cet abatis de colosses dont un seul a tant d’huile et tant de sang ? Que voulait-on dans ce sanglant déluge ? Rougir la terre ? souiller la mer ?

On voulait le plaisir des tyrans, des bourreaux, frapper, sévir, jouir de sa force et de sa fureur, savourer la douleur, la mort. Souvent on s’amusait à martyriser, désespérer, faire mourir lente-