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C’est en 1818, après la guerre européenne, qu’on reprit cette guerre contre la nature, la recherche du grand passage. Elle s’ouvrit par un grave et singulier événement. Le brave capitaine John Ross, envoyé avec deux vaisseaux dans la baie de Baffin, fut dupe des fantasmagories de ce monde des songes. Il vit distinctement une terre qui n’existait pas, soutint qu’on ne pouvait passer. Au retour, on l’accable, on lui dit qu’il n’a pas osé ; on lui refuse même de prendre sa revanche et de rétablir son honneur. Un marchand de liqueurs de Londres se piqua de faire plus que l’empire britannique. Il lui donna cinq cent mille francs, et Ross retourna, déterminé à passer ou mourir. Ni l’un ni l’autre ne lui fut accordé ! Mais il resta, je ne sais combien d’hivers, ignoré, oublié, dans ces terribles solitudes. Il ne fut ramené que par des baleiniers qui, trouvant ce sauvage, lui demandèrent si jadis il n’avait pas rencontré par hasard feu le capitaine John Ross.

Son lieutenant Parry, qui s’était cru sûr de passer, fit quatre fois quatre efforts obstinés ; tantôt par la baie de Baffin et l’Ouest, tantôt par le Spitzberg et le Nord. Il fit des découvertes, s’avança hardiment avec un traîneau-barque, qui tour à tour flottait ou passait les glaçons. Mais ceux-ci, invariables dans