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deurs bizarres d’une illumination sinistre. Vastes et effrayants incendies qui remplissent tout l’horizon, éruption de jets magnifiques ; un fantastique Etna, inondant de lave illusoire la scène de l’éternel hiver.

Tout est prisme dans une atmosphère de particules glacées où l’air n’est que miroirs et petits cristaux. De là de surprenants mirages. Nombre d’objets vus à l’envers, pour un moment apparaissent la tête en bas. Les couches d’air qui produisent ces effets sont en révolution constante ; ce qui y devient plus léger monte à son tour et change tout ; la moindre variation de température abaisse, élève ; incline le miroir ; l’image se confond avec l’objet, puis s’en sépare, se disperse, une autre image redressée monte au-dessus, une troisième apparaît pâle, affaiblie, de nouveau renversée.

C’est le monde de l’illusion. Si vous aimez les songes, si, rêvant éveillé, vous vous plaisez à suivre la mobile improvisation et le jeu des nuages, allez au Nord ; tout cela se retrouve réel, et non moins fugitif, dans la flotte des glaces mouvantes. Sur le chemin, elles donnent ce spectacle. Elles singent toutes les architectures. Voici du grec classique, des portiques et des colonnades. Des obélisques égyptiens apparaissent, des aiguilles qui pointent au ciel, appuyées d’aiguilles tombées. Puis voici venir des