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Dans son long séjour en Asie, il recueille toutes les lumières, prépare sa grande expédition, sa tentative d’aller par l’Amérique aux îles mêmes des épices, aux Moluques. Les prenant à la source, on était sûr de les avoir à meilleur prix qu’on n’avait pu encore, en les tirant de l’occident de l’Inde. L’entreprise, dans son idée originaire, fut ainsi toute commerciale. (Voy. Navarete, F. Denis, Charton.) Un rabais sur le poivre fut l’inspiration primitive du voyage le plus héroïque qu’on ait fait sur cette planète.

L’esprit de cour, l’intrigue, dominait tout alors en Portugal. Magellan, maltraité, passa en Espagne, et magnifiquement Charles-Quint lui donna cinq vaisseaux. Mais il n’osa se fier tout à fait au transfuge portugais ; il lui imposa un associé castillan. Magellan partit entre deux dangers, la malveillance castillane et la vengeance portugaise, qui le cherchait pour l’assassiner. Il eut bientôt révolte sur la flotte, et déploya un terrible héroïsme, indomptable et barbare. Il mit aux fers l’associé, se fit seul chef. Il fit poignarder, égorger, écorcher les récalcitrants. — À travers tout cela, naufrage ! et des vaisseaux perdus. — personne ne voulait plus le suivre, quand on vit l’effrayant aspect de la pointe de l’Amérique, la désolée Terre de Feu, et le funèbre cap Forward. Cette contrée arrachée