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toutes les cervelles, c’était un réchauffé de la fable des Hespérides, un Eldorado, terre de l’or, qu’on plaçait dans les Indes et qu’on soupçonnait être le paradis terrestre, subsistant toujours ici-bas. Il ne s’agissait que de le trouver. On n’avait garde de le chercher au nord. Voilà pourquoi on fit si peu d’usage de la découverte de Terre-Neuve et du Groënland. Au midi, au contraire, on avait déjà trouvé en Afrique de la poudre d’or. Cela encourageait.

Les rêveurs et les érudits d’un siècle pédantesque entassaient, commentaient les textes. Et la découverte, peu difficile d’elle-même, le devenait à force de lectures, de réflexions, d’utopies chimériques. Cette terre de l’or était-elle, n’était-elle pas le paradis ? Était-elle à nos antipodes ? et avions-nous des antipodes ?… À ce mot, les docteurs, les robes noires, arrêtaient les savants, leur rappelaient que là-dessus la doctrine de l’Église était formelle, l’hérésie des antipodes ayant été expressément condamnée.

Voilà une grave difficulté ! On était là arrêté court.

Pourquoi l’Amérique, déjà découverte, se trouva-t-elle encore si difficile à découvrir ? C’est qu’on désirait à la fois et qu’on craignait de la trouver.