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Une maladie terrible avait éclaté au quinzième siècle, la faim, la soif de l’or, le besoin absolu de l’or. Peuples et rois, tous pleuraient pour l’or. Il n’y avait plus aucun moyen d’équilibrer les dépenses et les recettes. Fausse monnaie, cruels procès et guerres atroces, on employait tout, mais point d’or. Les alchimistes en promettaient, et on allait en faire dans peu ; mais il fallait attendre. Le fisc, comme un lion furieux de faim, mangeait des Juifs, mangeait des Maures, et de cette riche nourriture il ne lui restait rien aux dents.

Les peuples étaient de même. Maigres et sucés jusqu’à l’os, ils demandaient, imploraient un miracle qui ferait venir l’or du ciel.

On connaît la très belle histoire de Sindbad (Mille et une Nuits), son début, d’histoire éternelle, qui se renouvelle toujours. Le pauvre travailleur Hindbad, le dos chargé de bois, entend de la rue les concerts, les galas qui se font au palais de Sindbad, le grand voyageur enrichi. Il se compare, envie. Mais l’autre lui raconte tout ce qu’il a souffert pour conquérir de l’or. Hindbad est effrayé du récit. L’effet total du conte est d’exagérer les périls, mais aussi les profits de cette grande loterie des voyages, et de décourager le travail sédentaire.

La légende qui, au quinzième siècle, brouillait