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chauffage, le feu, la lumière du foyer. L’huile ici-bas tient lieu de tout cela. Bue largement, elle le réchauffe.

Grand contraste entre l’homme et les amphibies somnolents, qui, même en ce climat, savent vivre sans grandes souffrances. L’œil doux du phoque l’indique assez. Nourrisson de la mer, il est toujours en rapport avec elle. Il y reste des interstices où l’excellent nageur sait se pourvoir. Tout lourd qu’on le croirait, il monte adroitement sur un glaçon et se fait voiturer. L’eau épaisse de mollusques, grasse d’atomes animés, nourrit richement le poisson pour l’usage du phoque, qui, bien repu, s’endort sur son rocher d’un lourd sommeil que rien ne rompt.

La vie de l’homme est toute contraire. Il semble être là malgré Dieu, maudit, et tout lui fait la guerre. Sur les photographies que nous avons de l’Esquimau, on lit sa destinée terrible dans la fixité du regard, dans son œil dur et noir, sombre comme la nuit. Il semble pétrifié d’une vision, du spectacle habituel d’un infini lugubre. Cette nature de Terreur éternelle a caché d’un masque d’airain sa forte intelligence, rapide cependant et pleine d’expédients dans une vie de dangers imprévus.