Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/263

Cette page a été validée par deux contributeurs.

geoises, ou, si l’on veut, patriarcales, des plaisirs trop faciles. Lui, le bon patriarche, respectable par sa forte tête, ses moustaches et ses défenses, il trône entre Agar et Sarah, Rebecca et Lia, qu’il aime fort, ainsi que ses enfants qui lui font un petit troupeau. Dans sa vie immobile, la grande force de cet être sanguin tourne toute aux tendresses de famille. Il embrasse les siens d’un amour tendre, orgueilleux, colérique. Il est vaillant, prêt à mourir pour eux. Hélas ! sa force et sa fureur lui servent peu. Sa masse énorme le livre à l’ennemi. Il rugit, il se traîne, veut combattre et ne peut, gigantesque avorton, manqué entre deux mondes, pauvre Caliban désarmé !



La pesanteur, fatale à la baleine, l’est bien plus à ceux-ci. Réduisons donc la taille encore, allégeons l’embonpoint, assouplissons l’épine, supprimons surtout cette queue, ou plutôt fendons-en la fourche en deux appendices charnus qui vont être bien plus utiles. Le nouvel être, le phoque, plus léger, bon nageur, bon pêcheur, vivant de la mer, mais ayant son amour à terre (son petit paradis), emploiera sa vie dans l’effort d’y revenir toujours,