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qu’elle doua de forces incomparables et de ce qui vaut plus, du plus beau sang rouge ardent. Il parut pour la première fois.

Ceci est la vraie fleur du monde. Toute la création à sang pâle, égoïste, languissante, végétante relativement, a l’air de n’avoir pas de cœur, si on la compare à la vie généreuse qui bouillonne dans cette pourpre, y roule la colère ou l’amour. La force du monde supérieur, son charme, sa beauté, c’est le sang. Par lui commence une jeunesse toute nouvelle dans la nature, par lui une flamme de désir, l’amour, et l’amour de famille, de race, qui, étendu par l’homme, donnera le couronnement divin de la vie, la Pitié.

Mais, avec ce don magnifique, augmente infiniment la sensibilité nerveuse. On est plus vulnérable, bien plus capable de jouir, de souffrir. La baleine n’ayant guère le sens du chasseur, l’odorat, ni l’ouïe très développée, tout en elle profite au toucher. La graisse, qui la défend du froid ne la garde nullement d’aucun choc. Sa peau, finement organisée, de six tissus distincts, frémit et vibre à tout. Les papilles tendres qu’on y trouve sont des instruments de tact délicat. Tout cela animé, vivifié d’un riche flot de sang rouge, qui, même en tenant compte de la taille différente,