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fois illuminées de leur phosphorescence, lançant des colonnes d’eau de trente à quarante pieds qui, dans les mers polaires, montaient fumantes. Ils approchaient paisibles, curieux, regardant le vaisseau comme un frère d’espèce nouvelle ; ils y prenaient plaisir, faisaient fête au nouveau venu. Dans leurs jeux ils se mettaient droits et retombaient de leur hauteur, à grand fracas, faisant un gouffre bouillonnant. Leur familiarité allait jusqu’à toucher le navire, les canots. Confiance imprudente, trompée si cruellement ! En moins d’un siècle, la grande espèce de la baleine a presque disparu.

Leurs mœurs, leur organisation, sont celles de nos herbivores. Comme les ruminants, ils ont une succession d’estomacs où s’élabore la nourriture ; les dents leur sont peu nécessaires, ils n’en ont pas. Ils paissent aisément les vivantes prairies de la mer ; j’entends les fucus gigantesques, doux et gélatineux ; j’entends des couches d’infusoires, des bancs d’atomes imperceptibles. Pour de tels aliments, la chasse n’est pas nécessaire. N’ayant nulle occasion de guerre, ils ont été dispensés de se faire les affreuses mâchoires et les scies, ces instruments de mort et de supplice, que le requin et tant de bêtes faibles ont acquis à force de meurtres. Ils ne poursuivent point. (Boitard.) C’est l’aliment plutôt