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ne les quitte pas, les défend, les protège, plus mère que la mère elle-même.

Cet instinct se trouve dans plusieurs espèces, spécialement chez les plus humbles, les gobies, un petit poisson, ni beau, ni bon ; si méprisé, qu’on ne daigne pas le pêcher ; ou, pêché, on le rejette. Eh bien, ce dernier des derniers est un tendre père de famille, laborieux, qui, si petit, si faible, si dépourvu, n’en est pas moins l’architecte ingénieux, l’ouvrier du nid, et, de sa volonté seule, de sa tendresse, vient à bout de construire le berceau protecteur.

C’est pitié, cependant, de voir qu’un tel effort de cœur n’atteigne pas tout son but, que cet être soit arrêté à ce premier élan de l’art par la fatalité de sa nature. On tombe dans la rêverie. On sent que ce monde des eaux ne se suffit pas à lui-même.



Grande mère qui commenças la vie, tu ne peux la mener à bout. Permets que ta fille, la Terre, continue l’œuvre commencée. Tu le vois, dans ton sein même, au moment sacré, tes enfants rêvent la Terre et sa fixité ; ils l’abordent, lui rendent hommage.