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Toutefois tel degré de chaleur, telle nourriture, telle habitude, semblent les fixer, les parquer, dans cet élément si libre. Les mers chaudes sont comme un mur pour les espèces polaires, qui les trouvent infranchissables. D’autre part, ceux des mers chaudes sont arrêtés aux courants froids du cap de Bonne Espérance. On ne connaît que deux ou trois espèces de poissons cosmopolites. Peu fréquentent la haute mer. La plupart sont littoraux et n’aiment que certains rivages. Ceux des États-Unis ne sont point ceux de l’Europe. Ajoutez des spécialités de goût, qui ne les enchaînent pas absolument, mais les retiennent. La raie barbote sur la vase, et les soles aux fonds sablonneux, les cottes rampent sur les hauts-fonds, la murène se plaît sur les roches, et la perche sur les grèves, les balistes dans l’eau peu profonde sur un lit de madrépores. La scorpène, tour à tour nage et vole ; poursuivie par les poissons, elle s’élance, se soutient dans l’air, et si les oiseaux la chassent, elle plonge à l’instant dans les flots.



Le proverbe populaire : « Heureux comme un poisson dans l’eau », exprime une vérité. Dans les temps calmes, un ballon d’air, plus ou moins chargé et