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dans la mue, se voit, se sait tel qu’il est ; précipité tout à coup de la vie la plus énergique à une déplorable impuissance. Il semble effaré, éperdu. Tout ce qu’il sait faire, c’est de passer sous une pierre, d’attendre tremblant. N’ayant jamais rencontré d’ennemi sérieux ni d’obstacle, dispensé de toute industrie par la supériorité de ses armes terribles, au jour où elles lui manquent, il n’a nulle ressource. L’association pourrait le protéger peut-être si la mue ne venait pour tous, et si chacun à ce moment n’était également désarmé, hors d’état de protéger les malades, l’étant lui-même. On dit pourtant qu’en certaines espèces le mâle veut défendre sa femelle, la suit, et que, si on la prend, les époux sont pris tous les deux.



Cette terrible servitude de la mue, l’âpre recherche de l’homme (de plus en plus roi des rivages), enfin la disparition d’espèces antiques qui les nourrissaient richement, ont dû amener pour eux une certaine décadence. Le poulpe, qui n’est bon à rien, qu’on ne chasse ni ne mange, a bien déchu de taille et de nombre. Combien plus le