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samment, doucement. Elle n’en est pas abattue, elle est seulement affaiblie, dans un moment vague et rêveur, où pâlit la flamme vitale pour revenir plus lucide.

Combien la chose est plus terrible chez l’être où tout doit changer à la fois, la charpente se disjoindre, l’inflexible enveloppe s’écarter, s’arracher ! Il est accablé, assommé, défaillant, absent de lui-même, livré au premier venu.

Il est des crustacés d’eau douce qui doivent mourir ainsi vingt fois en deux mois. D’autres (des crustacés suceurs) succombent à cette fatigue, ne peuvent pas se refaire les mêmes, mais se déforment et perdent le mouvement. Ils donnent, pour ainsi dire, leur démission d’êtres chasseurs. Ils cherchent lâchement une vie paresseuse et parasitique, un honteux abri aux viscères des grands animaux, qui, malgré eux, les nourrissent, s’épuisent à leur profit, quêtent et travaillent pour eux.



L’insecte, dans sa chrysalide, paraît s’oublier, s’ignorer, rester étranger aux souffrances, on dirait plutôt jouir de cette mort relative, comme un nourrisson dans le berceau tiède. Mais le crustacé,