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défensif, qu’ils portaient si légèrement, fortes pinces, lances acérées, mandibules à trancher le fer, cuirasses hérissées de dards qui n’ont qu’à vous embrasser pour vous poignarder mille fois. On rend grâce à la nature qui les fit de cette grosseur. Car qui aurait pu les combattre ? Nulle arme à feu n’y eût mordu. L’éléphant se fût caché ; le tigre eût monté aux arbres ; la peau du rhinocéros ne l’eût pas mis en sûreté.

On sent que l’agent intérieur, le moteur de cette machine, centralisé dans sa forme (presque toujours circulaire), eut par cela seul une force énorme. La svelte élégance de l’homme, sa forme longitudinale, divisée en trois parties, avec quatre grands appendices, divergents, éloignés du centre, en font, quoi qu’on dise, un être très faible. Dans ces armures de chevaliers, les grands bras télégraphiques, les lourdes jambes pendantes, donnent la triste impression d’un être décentralisé, impuissant et chancelant, qu’un choc léger couchait par terre. Au contraire, chez le crustacé, les appendices tiennent de si près et si bien à la masse ronde, courte, ramassée, que le moindre coup qu’il donna fut donné par toute la masse. Quand l’animal pinça, piqua, trancha, ce fut de tout son être, qui, même au bout de son arme, avait sa complète énergie.