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la mer vue du rivage

la surface du globe, l’eau est la généralité, la terre est l’exception. Mais leur proportion relative : l’eau fait les quatre cinquièmes, c’est le plus probable ; d’autres ont dit les deux tiers ou les trois quarts. Chose difficile à préciser. La terre augmente et diminue ; elle est toujours en travail ; telle partie s’abaisse, et telle monte. Certaines contrées polaires, découvertes et notées du navigateur, ne se retrouvent plus au voyage suivant. Ailleurs, des îles innombrables, des bancs immenses de madrépores, de coraux, se forment, s’élèvent et troublent la géographie.

La profondeur de la mer est bien plus inconnue que son étendue. À peine les premiers sondages, peu nombreux et peu certains, ont-ils été faits encore.

Les petites libertés hardies que nous prenons à la surface de l’élément indomptable, notre audace à courir sur ce profond inconnu, sont peu, et ne peuvent rien faire au juste orgueil que garde la mer. Elle reste, en réalité, fermée, impénétrable. Qu’un monde prodigieux de vie, de guerre et d’amour, de productions de toute sorte, s’y meuve, on le devine bien et déjà on le sait un peu. Mais à peine nous y entrons, nous avons hâte de sortir de cet élément étranger. Si nous avons besoin de lui, lui, il n’a pas besoin de nous. Il se passe de l’homme à