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une coquille qui garantit les organes les plus vulnérables. Il n’a pas l’espèce de voile qui seconde la navigation et dispense de ramer. Il barbote un peu sur la rive, ou, tout au plus, on pourrait le comparer au caboteur qui serre la côte. Son infériorité lui donne des habitudes de ruse perfide, d’embuscade, de craintive audace, si on ose dire. Il se dissimule, se tient coi aux fentes des rochers. La proie passe, il lui allonge prestement son coup de fouet. Les faibles sont engourdis, les forts se dégagent. L’homme ainsi frappé en nageant ne peut se troubler dans sa lutte avec un si misérable ennemi. Il doit, malgré son dégoût, l’empoigner, et, chose aisée, le retourner comme un gant. Il s’affaisse alors et retombe.

On est choqué, irrité, d’avoir eu un moment de peur, au moins de saisissement. Il faut dire à ce guerrier qui vient soufflant, ronflant, jurant : « Faux brave, tu n’as rien au dedans. Tu es un masque plus qu’un être. Sans base, sans fixité, de la personnalité tu n’as que l’orgueil encore. Tu ronfles, machine à vapeur, tu ronfles, et tu n’es qu’une poche, — puis, retourné, une peau flasque et molle, vessie piquée, ballon crevé, et demain un je ne sais quoi sans nom, une eau de mer évanouie. »