Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.

semble, repousser avec risée celui de Denis de Monfort, qui atteste avoir vu un énorme poulpe frapper de ses fouets électriques, enlacer, étouffer un dogue malgré ses morsures, ses efforts, ses hurlements de douleur.

Le poulpe, cette machine terrible, peut, comme la machine à vapeur, se charger, surcharger de force, et alors prendre une puissance incalculable d’élasticité, un élan jusqu’à sauter de la mer sur un vaisseau (d’Orbigny, article Céphal.). Ceci explique la merveille qui fit accuser de mensonge les anciens navigateurs. Ils avaient eu, disaient-ils, la rencontre d’un poulpe géant qui, sautant sur le tillac, embrassant de ses prodigieux bras les mâts, les cordages, eût pris le vaisseau, dévoré les hommes, si l’on n’eût à coups de hache tranché ses bras. Mutilé, il retomba dans la mer.

Quelques-uns avaient cru lui voir des bras de soixante pieds. D’autres soutenaient avoir vu dans les mers du Nord une île mouvante d’une demi-lieue de tour, qui aurait été un poulpe, l’épouvantable kraken, le monstre des monstres, capable de lier et d’absorber une baleine de cent pieds de long.

Ces monstres, s’ils ont existé, eussent mis en danger la nature. Ils auraient sucé le globe. Mais, d’une part, les oiseaux géants (peut-être l’épiornis)