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elles la conservent en elles-mêmes, elles la couvent de leur amoureuse pensée. Elles l’attendent, elles l’espèrent ; elles se font leur petite âme de cet espoir, de ce désir. Qui doutera qu’à son retour elles n’aient bien autant que nous le ravissement du réveil ? plus que nous, distraits par la vie, si multiple et si variée ?

Pour elles, l’éternité se passe à sentir et deviner, à rêver et regretter le grand amant, le Soleil. Sans le voir à notre manière, elles perçoivent certainement que cette chaleur, cette gloire lumineuse, leur vient du dehors, d’un grand centre puissant et doux. Elles aiment cet autre Moi, ce grand Moi qui les caresse, les illumine de joie, les inonde de vie. Si elles pouvaient, sans doute, elles iraient au-devant de ses rayons. Du moins, attachées à leur seuil, comme le brame méditant aux portes de la pagode, elles lui offrent silencieusement… quoi ? la félicité qu’il donne, et ce doux mouvement vers lui. — Fleur première du culte instinctif. C’est déjà aimer et prier, dire le petit mot qu’un saint préfèrerait à toute prière, le : Oh ! dont le ciel se contente. Quand l’Indien le dit à l’aurore, il sait que ce monde innocent, nacre, perle, humbles coquilles, s’unit à lui du fond des mers.