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sang, du meurtre, d’une brutale accumulation de substance.

Il ne faut à celles-ci presque rien pour vivre. Leur aliment, c’est surtout la lumière qu’elles boivent, dont elles se pénêtrent, dont elles colorent et irisent leur appartement intérieur. C’est aussi l’amour solitaire qu’elles cachent en cette retraite. Chacune est double ; en une seule se trouvent l’amante et l’amant. Comme les palais de l’Orient ne montrent au dehors que de tristes murs et dissimulent leurs merveilles, ici le dehors est rude et l’intérieur éblouit. L’hymen s’y fait aux lueurs d’une petite mer de nacre, qui, multipliant ses miroirs, donne à la maison, même close, l’enchantement d’un crépuscule féerique et mystérieux.

C’est une grande consolation d’avoir, sinon le soleil, au moins une lune à soi, un paradis de douces nuances, qui, changeant toujours sans changer, donne à cette vie immobile ce peu de variété dont tout être a le besoin.

Les enfants qui travaillent aux mines demandent aux visiteurs, non des vivres, non de l’argent, mais « de quoi faire de la lumière. » Il en est de même de ces enfants-ci, nos Haliotides. Chaque jour, quoique aveugles, elles sentent la lumière revenir, s’ouvrant à elles avidement, la reçoivent, la contemplent de tout leur corps transparent. Disparue,